Auteur : Gaël Faye
Editions : Grasset
Genre : Roman
Date de sortie : août
2016
Nombre
de pages : 224
Quatrième de couverture
Quatrième de couverture
« Au
temps d’avant, avant tout ça, avant ce que je vais raconter et le reste, c’était
le bonheur, la vie sans se l’expliquer. Si l’on me demandait "Comment ça
va ?" je répondais toujours "Ça va !". Du tac au tac.
Le bonheur, ça t’évite de réfléchir. C’est par la suite que je me suis mis à
considérer la question. A esquiver, à opiner vaguement du chef. D’ailleurs,
tout le pays s’y était mis. Les gens ne répondaient plus que par "Ça va un
peu". Parce que la vie ne pouvait plus aller complètement bien après tout
ce qui nous était arrivé. » G.F.
Avant, Gabriel faisait les quatre cents
coups avec ses copains dans leur coin de paradis. Et puis l’harmonie familiale
s’est disloquée en même temps que son « petit pays », le Burundi, ce
bout d’Afrique centrale brutalement malmené par l’Histoire.
Plus tard, Gabriel fait revivre un monde à
jamais perdu. Les battements de cœur et les souffles coupés. Les pensées
profondes et les rires déployés, le parfum de citronnelle, les termites les
jours d’orage, les jacarandas en fleur… L’enfance, son infinie douceur, ses
douleurs qui ne nous quittent jamais.
Mon
avis
En le voyant à la
Bibliothèque près de chez moi et parce que le titre me disait vaguement quelque
chose, j’ai décidé de tenter le coup en ne sachant absolument pas de quoi il
parlait. Au final, c’est une très bonne surprise.
Ce n’était pas le cas pour
moi mais le nom de Gaël Faye vous dit peut-être quelque chose, avant même de
connaître son livre, puisque l’auteur est avant tout un rappeur (je dirais même un
slameur) dont vous pourrez entendre une de ses musiques à la fin de cette
chronique. Petit Pays est son tout
premier roman et je dois dire quel talent ! Malgré quelques concordances,
l’auteur affirme que son livre n’est pas autobiographique mais s’inspire tout
de même des éléments de sa vie avant son arrivée en France.
A la manière de Joseph
Joffo dans Un Sac de Billes, on voit
la guerre tout dévaster à travers les yeux d’un enfant innocent à qui on impose
une identité. Notre héros Gabriel (qui préfère être appelé Gaby) a une mère
rwandaise et un père français mais lui ne voit aucune différence et « aime »
tout le monde. Il voit ses parents se déchirer et assiste bien malgré lui au
Génocide du Rwanda et au début de la guerre au Burundi. Ce livre nous montre
aussi que les hommes ont tendance parfois à oublier qu’il y a eu d’autres
guerres qui ont fait des milliers voire des millions de victimes, il nous
permet alors d’en apprendre davantage sur la situation en Afrique. On comprend
davantage que la guerre peut se propager à tout moment et sans réelle raison
valable. C’est extrêmement effrayant.
Ce livre, c’est l’histoire
d’une enfance désabusée qui se voudrait privilégiée d’un enfant qui repousse
autant qu’il peut la guerre dans son foyer et dans son « impasse »
jusqu’à ce qu’elle s’impose d’elle-même sans demander son reste. C’est un livre
très poignant parce que notre narrateur Gabriel perd son innocence dans une
guerre qui n’est pas la sienne et qui entraîne toute sa famille et ses
meilleurs copains. Dans ses lettres à sa correspondante (et selon lui, future
fiancée) Laure, le petit garçon a bien conscience de lui-même. Justement il n’est
qu’un petit garçon qui voudrait jouer éternellement à des jeux d’enfants mais
son entourage et surtout ses copains jouent déjà à des jeux de guerre. La violence
et la guerre arrivent dans sa vie contre son gré, et il perd toute innocence
quand lui Gaby, petite victime parmi tant d’autres, devient bourreau sous la
menace de jeunes de son âge. C’est une partie terrible du récit. On se rend
compte au fil de la lecture de cette œuvre que chaque élément parfois
insignifiant est important. Ainsi, la disparition du briquet Zippo du vieux
Jacques aboutira à un acte criminel, les maillots de foot du cousin de Gaby,
Christian joueront un rôle pour reconnaître le petit garçon, le télescope de
Madame Economopoulos qui disparaît et réapparaît et la disparition du cheval
qui aboutit à une scène ATROCE où des enfants se vengent sur son corps encore
vivant.
En ce qui concerne la mère
de Gaby, l’auteur aurait pu faire un livre entier sur elle. Sur beaucoup de
choses, elle reste une énigme tandis que sur d’autres évènements, on ne peut
que la comprendre. La première question que l’on se pose est : A-t-elle vraiment
choisi de s’éloigner de ses enfants au moment de la séparation avec le père ou
lui a-t-il imposé ? Parce que Gaby est persuadé que sa mère les a, en
quelque sorte, abandonné mais est-ce vrai !? Quand elle retourne dans sa
famille pour chercher ses proches au moment du massacre, ô combien le
traumatisme a dû être fort pour qu’elle confonde la réalité avec le passé et qu’elle
en vienne à complètement oublier ses propres enfants. En cela, la fin déchire
le cœur. Quand Gaby retrouve sa mère après toutes ses années, il découvre qu’elle
est restée dans les vestiges d’une famille morte. Vous ne pouvez pas lire ce
passage sans pleurer.
Malgré des situations très
dures, on assiste au cours de notre lecture à des petites pépites
rafraîchissantes comme l’histoire de la circoncision des jumeaux et copains
vivant dans la même impasse que Gaby. C’est une histoire surréaliste dans tout
ce récit mais elle apporte une bonne pointe d’humour malgré la souffrance des
deux garçons. Et parfois on écarquille les yeux d’étonnement comme lorsque le
père et Ana la sœur de Gaby sont tranquillement en train de rire devant les
dessins animés alors que c’est la guerre à l’extérieur de leur maison et même à
l’intérieur. Le dernier élément qui me stupéfait, c’est que Francis la petite brute de la bande, qui a entraîné les autres dans tout ce que Gaby ne voulait pas,
soit devenu prêtre…
La gentille Madame
Economopoulos pousse notre jeune narrateur à son éveil littéraire, elle
découvre en lui un jeune passionné de lecture et prend un grand plaisir à faire
son éducation. Après son premier livre, Gaby comprend rapidement que les livres
vont devenir un véritable refuge pour lui alors que tout le monde s’est tourné
vers la guerre. C’est son seul moyen de s’inventer une autre vie que la sienne et
de se plonger dans son propre imaginaire. D’ailleurs, j’adore la mienne dont
Mme Economopoulos lui explique ce qu’elle ressent vis-à-vis des livres. (Vous
pouvez voir la citation en fin de chronique).
Ce premier roman de Gaël
Faye est un petit coup de cœur, il est extrêmement touchant et tellement triste
mais justifie complètement les prix qu’il a pu recevoir, dont le Prix Goncourt
des Lycéens 2016 ou encore le Prix du Premier Roman.
Comme je le disais, Gaël
Faye est aussi connu pour ses chansons. J’en ai écouté quelques-unes et une d’entre
elles tombe sous le sens puisqu’elle se nomme « Petit Pays », du même
nom que son œuvre. Je vous conseille vivement de l’écouter.
« - Vous avez lu tous ces livres ? j’ai demandé.
- Oui. Certains plusieurs fois, même. Ce sont les grands amours de ma vie. Ils me font rire, pleurer, douter, réfléchir. Ils me permettent de m’échapper. Ils m’ont changée, ont fait de moi une autre personne.
- Un livre peut nous changer ?
- Bien sûr, un livre peut te changer ! Et même changer ta vie. Comme un coup de foudre. Et on ne peut pas savoir quand la rencontre aura lieu. Il faut se méfier des livres, ce sont des génies endormis. »
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