Auteur : Pierre
Lemaitre
Editions : Albin
Michel
Genre : Roman
« historique »
Date de sortie : août
2013
Nombre
de pages : 574
Quatrième de couverture
Quatrième de couverture
« Pour le commerce, la
guerre présente beaucoup d’avantages, même après. »
Sur les ruines du plus grand carnage du XXe
siècle, deux rescapés des tranchées, passablement abîmés, prennent leur
revanche en réalisant une escroquerie aussi spectaculaire qu’amorale. Des sentiers
de la gloire à la subversion de la patrie victorieuse, ils vont découvrir que
la France ne plaisante pas avec ses morts…
Fresque d’une rare cruauté, remarquable par
son architecture et sa puissance d’évocation, Au revoir là-haut est le grand roman de l’après-guerre de 14, de l’illusion
de l’armistice, de l’État qui glorifie ses disparus et se débarrasse de vivants
trop encombrants, de l’abomination érigée en vertu.
Dans l’atmosphère crépusculaire des lendemains
qui déchantent, peuplée de misérables pantins et de lâches reçus en héros,
Pierre Lemaitre compose la grande tragédie de cette génération perdue avec un
talent et une maîtrise impressionnants.
Mon
avis
Après l’excellent Trois jours et une vie, j’ai voulu lire
un autre roman de Pierre Lemaitre, j’avais d’abord emprunté Au revoir là-haut à la bibliothèque puis
j’ai fini par l’acheter sur une brocante pour être sûre de pouvoir prendre mon
temps. C’est à peu près à ce moment-là que j’ai appris qu’une adaptation allait
sortir en fin d’année donc j’étais d’autant plus excitée !
Pierre Lemaitre a le don de
nous embarquer dans ses histoires où il ne se passe pas toujours grand-chose mais
où on est tout de même tenu en haleine et c’est encore une fois le cas avec ce
roman grâce auquel il a remporté le prestigieux Prix Goncourt. Pour être
honnête, les vainqueurs de ce fameux prix m’angoissent un peu parce que je m’attends
à quelque chose d’ennuyeux ou de vraiment trop incompréhensible pour moi… J’ai
toujours cette petite appréhension devant ces livres mais Pierre Lemaitre vient
de me prouver le contraire.
L’auteur nous intrigue et
nous mène à travers une vie d’après-guerre difficile pour les soldats qui ne
sont pas morts en héros pendant la guerre mais ont survécu et doivent reprendre
une existence « normale ». Il ne passe pas par quatre chemins pour
nous faire comprendre que ses soldats sont devenus un véritable poids pour l’État,
encore plus pour ceux qui ne sont pas revenus mutilés et qui osent demander une
indemnisation pour avoir servi la France alors que le gouvernement préfère
donner son argent pour des monuments aux morts. Vous n’imaginez pas comment ces
passages m’ont quelque peu choqué et révolté ! Pierre Lemaitre nous expose
vraiment la condition des soldats, des poilus d’après-guerre dont leurs
supérieurs et le gouvernement ne savent plus quoi faire, qui touchent une
misère après s’être battus pour la France. On en a conscience mais c’est
toujours plus compliqué de se retrouver devant le fait accompli.
D’autres réalités d’après-guerre
viennent s’accumuler à ce constat déjà honteux, particulièrement celle des exhumations
clandestines. Je comprends que certaines familles voulaient récupérer les corps
de leur proche mais que certains en profitent, c’est tout autre chose… Vous
allez me dire qu’il ne faut pas croire tout ce qu’on lit dans les livres… Mais
à la fin de son livre, Pierre Lemaitre nous informe que l’arnaque aux monuments
aux morts vient de son imagination alors que le fait que certains corps ne
soient pas les bons ou totalement inexistants dans les cercueils voire « cassés »
pour rentrer dans une boîte, est un élément qu’il n’a pas inventé. Au final, y
a-t-il vraiment quelqu’un dans ces cercueils et si oui, qui s’y trouvent
réellement ? Cette réflexion est hallucinante ! Je vous mets le lien
de la thèse de Béatrix Pau intitulée « La violation des sépultures militaires, 1919-1920 » qui est très
intéressante à lire.
On est révoltés par les
actions de Maillard et de Péricourt mais ils n’en restent pas moins des
personnages terriblement émouvants à cause de leur destin. Ils nous choquent
tout en nous faisant rire. Le personnage d’Albert Maillard, sa paranoïa et ses
inquiétudes me font vraiment de la peine mais il est rendu encore plus
attachant par tout ce qu’il traverse et en surmontant tous les obstacles, on
croit à un destin meilleur pour lui. Quant à Edouard, on le comprend puis il
devient tout à coup inaccessible mais c’est le pouvoir de l’auteur que le
lecteur ne sache plus sur quel pied danser avec ce personnage, voire jusqu’à
nous sentir mal à l’aise. La description de sa « gueule cassée » est aussi
particulièrement difficile à lire…
La force de ce roman est de
parler d’un sujet grave avec beaucoup d’ironie et surtout de mettre en avant
une écriture d’une grande modernité. En plus de cela, les « pensées »
du narrateur et des personnages sont placées telles quelles sans guillemets
dans le texte (c’est du discours indirect libre il me semble… mais j’ai un
doute), ce qui apporte une liberté de lecture vraiment géniale à l’œuvre. Je me
suis très bien imaginée le narrateur ou Pierre Lemaitre en train d’écrire cette
histoire et se dire « Merde, ils sont vraiment dégueulasses ces putains d’opportunistes »,
(tout en gardant les insultes dans le roman) mais ce n’est qu’un exemple.
Je m’attendais à une toute
autre fin mais c’est ce qui rend le livre encore plus incroyable parce qu’on
sait qu’il va se passer quelque chose, forcément, mais on est surpris par ce
quelque chose qui coupe net toutes nos perspectives.
Ce livre est un grand coup
de cœur ! Pierre Lemaitre mérite amplement son Prix Goncourt et me donne
encore une fois envie de lire d’autres de ses œuvres.
🎭
Titre original : Au Revoir Là-Haut
Réalisation : Albert
Dupontel
Année : 2017
Durée :
1h57
Mon
analyse
J’ai eu la chance de voir
le film en avant-première en présence d’Albert Dupontel à Compiègne, ville que
l’on retrouve mentionnée dans le livre. Après nous avoir bien charriés sur le
fait de venir du fin fond de l’Oise, il nous a raconté beaucoup de choses sur
son film et c’était génial !
Albert Dupontel est connu
pour être un acteur ainsi qu’un réalisateur, dans Au Revoir Là-Haut, il tient les deux rôles et nous offre un très
beau film et une belle interprétation du soldat Maillard.
Majoritairement, il n’y a
que quelques petits détails et toute la fin (dont je parlerais dans un encadré
spécial pour ceux qui n’ont ni lu le livre ni vu le film, à la fin de ma
chronique) qui diffèrent du livre de Pierre Lemaitre. Toutefois, ce sont des
différences qui pourraient être qualifiées d’améliorations pour la majorité. Ainsi,
le « rachat » de la petite Louise apporte un aspect familial au duo
Albert-Edouard, quand Edouard découvre que sa sœur s’est mariée avec Pradelle,
cela apporte une vengeance qu’on attend terriblement dans le roman ou encore le
premier refus de Pauline envers Albert donne des retrouvailles encore plus
émouvantes. Ce sont plein de petits détails qui amènent une profondeur
supplémentaire à l’histoire de nos protagonistes.
Le véritable héros de ce
film n’est plus Albert Maillard mais bien son camarade Edouard Péricourt
interprété par Nahuel Pérez Biscayart. L’acteur y est époustouflant par son
interprétation de différents personnages grâce au port de sublimes masques, en
effet, chaque masque (impressionnants de beauté) nous donne l’impression d’être
face à toute une panoplie de personnes dont Nahuel Pérez Biscayart adapte tous
ses gestes et son comportement. C’est vraiment remarquable ! En ce qui
concerne le personnage d’Edouard Péricourt en lui-même, il se montre très
égoïste vis-à-vis de son camarade Albert, beaucoup plus que dans le livre où il
a au moins la décence de ne rien dire alors qu’ici, il le pousse à trouver de
l’argent à tout prix et à se débrouiller. Il est aussi beaucoup moins solitaire
et organise une grande (et folle) fête avec des riches dandys de Paris. Plein
de petits détails montrent qu’il est bien plus impliqué dans la vie de sa
famille et dans la vie en général comparé au livre. Pour ce qui est du reste, on ne connaît pas la psychologie des
personnages secondaires et d’ailleurs, il en manque pas mal. Mais cela ne gêne
en rien le fil de l’histoire.
C’est une très bonne
adaptation du roman de Pierre Lemaitre et un très beau film ! Je ne vous
cache pas qu’il vous tire les larmes et qu’il est très touchant. Certains personnages
sont moins exploités tandis que d’autres sont poussés à « l’extrême »
mais il n’en reste pas moins que l’on découvre l’œuvre de Lemaitre sous une
autre facette.
[ATTENTION SPOILERS ! Je vous parlais de cette fin qui
n’est pas la même que dans le livre et tant mieux ! On est un peu frustré
par celle de Pierre Lemaitre qui ne nous permet de voir réuni une dernière fois
le père et le fils alors que pour celle d’Albert Dupontel, c’est tout le
contraire. On assiste avec BEAUCOUP d’émotions aux retrouvailles d’un père qui
a eu du mal à admettre l’ « excentricité » et la mort de son
fils et d’un fils qui a toujours cherché à « combattre » son père.
Quand ils se retrouvent pour la dernière fois, c’est difficile et tellement
émouvant mais ils se pardonnent tout ! Je préfère cette fin à celle
du roman de Pierre Lemaitre. Quant à la mort de Pradelle enseveli, c’est comme
une boucle qui se boucle pour Albert.]
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